Inauguration du monument en hommage aux fusillés | Parc Notre Dame – samedi 6 avril 2019
Mesdames, Messieurs les élus, chers collègues,
Mesdames, Messieurs les Présidents d’associations, les responsables syndicaux,
Mesdames, Messieurs les autorités civiles et militaires
Mesdames, Messieurs en vos grades et qualités,
Chers amis,
Je suis heureux et ému de vous accueillir ce matin pour ouvrir une nouvelle page de notre Histoire et participer à un moment que je qualifierai d’historique. Historique pour notre ville mais aussi pour notre société.
Plus de 20 ans après le discours de Craonne prononcé par Lionel JOSPIN, nous nous retrouvons dans ce parc pour rendre hommage à ces soldats fusillés pour l’exemple car refusant d’être des sacrifiés inutiles avec, comme l’a dit Jaurès « le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ».
Inauguré il y a quasiment deux ans jour pour jour, et témoin d’une reconstruction et d’une redéfinition de l’espace urbain, cet endroit renvoie symboliquement à une nouvelle perception de notre Histoire. Nous aurions pu l’ériger dans d’autres endroits de la ville mais cette voie, proche du centre-ville, me semblait parfaitement adaptée pour une telle œuvre.
Contrairement à beaucoup de villes, Chauny n’a pas hésité à se porter candidate pour l’accueil de ce monument. C’est une volonté de notre part. C’est un choix. Mais c’est avant tout une immense fierté.
Chauny est une ville ouverte et accueillante. Nul besoin de l’étaler dans la presse ou sur les réseaux sociaux pour s’en apercevoir. Nous le montrons dans les moments festifs, à l’instar des cérémonies de jumelage ou de la réception d’étudiants étrangers comme dans les périodes de drames pour lesquels nous avons toujours montré un soutien sans faille. Quelles que soient les croyances, les orientations politiques, syndicales ou les origines, Chauny a toujours soutenu les peuples opprimés.
Votre présence, nombreuse ce matin, et je sais que vous serez également nombreux cet après midi témoigne de l’intérêt que nous portons à nos valeurs communes.
Je parle d’humanisme, de fraternité et de tolérance.
Etre humaniste, c’est placer l’homme et son épanouissement au dessus de toutes les autres valeurs. Mes engagements au sein de mouvements associatifs très fortement représentés devant moi en sont l’illustration. Tout au long de mon parcours, j’ai milité pour que l’homme soit au cœur des décisions. J’entends par là, que la démocratie ne peut être dissociée du suffrage universel direct qui est l’expression de la volonté générale du peuple. J’entends par là également que les décisions politiques ne doivent être guidées que dans l’intérêt général. C’est en cela être humaniste.
Etre fraternel, c’est considérer que les hommes sont liés par des valeurs transversales et universelles. Il suffit de regarder notre pays, notre ville et notre assemblée ce matin pour en être convaincus. Nous sommes tous différents, nous avons une histoire différente, une philosophie différente, des divergences politiques assurément, mais nous sommes unis par ce lien puissant et indestructible qu’est le respect de l’humain.
Etre tolérant, c’est rejeter la haine de l’autre, c’est promouvoir l’altruisme et le partage. Nous devons combattre avec la plus grande fermeté toutes les idéologies qui incitent au repli sur soi et aux communautarismes. J’ai toujours fait preuve d’une certaine indépendance ou d’une indépendance certaine. J’ai voulu dépasser les clivages politiques et œuvrer pour l’intérêt général. Pour autant, être apolitique ne signifie pas être sans conviction. C’est au contraire considérer qu’il n’y a pas de vérité absolue et que chacun peut apporter quelque chose.
Malheureusement, les mentalités changent. Il nous faut rester vigilants.
Emmanuel LEVINAS a qualifié le passé de question brûlante inlassablement adressée au présent. Aujourd’hui 100 ans, il convient d’apporter une réponse enfin apaisée. C’est le rôle de ce monument et l’ambition de cet hommage.
Pour Jean-Paul SARTRE la seule chose qui permet à l’homme de vivre, c’est l’acte ! Nous avons donc agi. Nous avons agi pour ne pas oublier. Nous avons agi pour honorer. Nous avons agi pour une mémoire « juste » qui se souvienne de tous ses morts. C’est cette mémoire que nous devons conserver et que nous, Nation, devons nous saisir.
Il y a un siècle, notre région a vu des affrontements sanglants, inhumains dont l’utilité semble parfois dépassée. Et depuis ces temps, notre département est la sépulture éternelle de tous ceux qui sont tombés pour la patrie. L’inhumanité de ces temps sombres s’est toujours tournée contre les ennemis mais parfois retournée contre son propre camp.
Un nombre certain de soldats de tous grades ont été condamnés pour désobéissance et crimes militaires pour ensuite rencontrer le peloton d’exécution.
Ces fusillés étaient-ils complétement responsables ? Etaient-ils fautifs d’avoir la volonté de vivre ? Qu’aurions-nous fait à leur place ? Aurions-nous obéi à des ordres qui nous mèneraient vers une mort certaine ? Peut-on condamner ces hommes épuisés à qui le commandement avait déjà tant demandé ?
Le temps a fait son œuvre d’apaisement. Reconnaissons aujourd’hui la valeur de leur sacrifice. C’est le leur et ceux de tous les soldats morts à la guerre. Ils nous ont offert la chance d’être aujourd’hui dans un monde de paix. Leur audace, leur fougue et surtout leur amour de la vie ont façonné notre histoire. Ils ont modelé cette France imaginée par Jaurès, Voltaire ou encore Victor Hugo. Cette France des lumières, des humanistes, du progrès, du partage et de la tolérance.
La Constitution de 1793 a proclamé que « lorsque les Gouvernants violent les droits du peuple, l’insurrection n’est pas simplement un droit mais un devoir ». Ces hommes ont réagi en humain.
« Rien d’audacieux n’existe sans la désobéissance à des règles » a dit Jean Cocteau. Disons le haut et fort, nos soldats de 14-18 ont été audacieux. Leur désobéissance a été un acte courageux. Ils voulaient faire comprendre à leurs chefs que leur mort sur le front était inutile. Ils ont donc choisi de la rendre utile en se sacrifiant.
Ils ont alerté les consciences. Interpellé l’opinion. Rendons leur hommage et faisons en sorte que leur sacrifice n’ait pas été vain.
Mes chers amis, soyons optimistes pour l’avenir, respectons tous les morts des guerres. N’oublions jamais d’où l’on vient pour savoir où l’on va. Et souvenons-nous de ce qu’a dit Jaurès « il ne faut avoir aucun regret pour le passé, aucun remords pour le présent et une confiance inébranlable pour l’avenir»
Je vous remercie de votre attention
Le Maire,
Marcel LALONDE